Contribution de Bernard Rioux sur le débat sur mandat de la constituante
Ce texte avance 4 propositions afin de préciser notre démarche d’accession à la souveraineté du Québec. Le mandat ouvert donné à l’assemblée constituante introduisait de la confusion et indiquait des imprécisions dans notre démarche stratégique et laissait dans l’ombre l’articulation des différents moments de la démarche stratégique proposée. Les propositions avancées ici (en italique) et les argumentaires qui les accompagnent tentent de dépasser les failles dans la démarche que nous avons défendu jusqu’ici.
1. Proposition : Un premier moment de notre démarche stratégique – La recherche d’un mandat de la mise sur pied d’une assemblée constituante dans le cadre d’une élection de Québec solidaire… D’où vient le mandat de l’assemblée de l’Assemblée constituante? Il ne peut venir que du peuple québécois dans le cadre d’une élection au suffrage universel.. Dans le cadre des campagnes électorales québécoises, Québec solidaire cherchera à obtenir du peuple du Québec le mandat de la mise sur pied d’une assemblée constituante ayant comme tâche d’élaborer une constitution d’une république sociale d’un Québec indépendant. Avec un tel mandat, un gouvernement indépendantiste promulguera son statut de gouvernemental national et son rejet de statut de gouvernement provincial.
Argumentaire : C’est cette démarche qui a fondé la légitimé de la tenue des référendums de 1980 et de 1995. Le Parti québécois, à chaque fois, a demandé un tel mandat et l’a mis en pratique. Les mandats n’étaient pas de tenir un référendum, mais de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec. L’obtention de ce mandat a correspondu à la victoire de ce parti même si nombre d’autres enjeux avaient été soulevés. Ce mandat ouvrait sur une nouvelle bataille. Les forces fédéralistes ont jonglé avec plusieurs possibilités face à une telle démarche. En somme, elles ont dû choisir entre le boycottage et la participation. Elles ont finalement choisi la participation… L’obtention d’un mandat ouvre une situation de crise pour l’État canadien… Elle ouvre aussi une nouvelle bataille. Dans le cas des référendums, la bataille référendaire et les préparatifs, la mobilisation populaire autour de cette bataille a été insuffisante pour arracher une seconde victoire. C’est le bilan des insuffisances de cette démarche stratégique qui nous a amenés à présenter une nouvelle démarche stratégique dans la lutte pour l’indépendance. Les principaux éléments du bilan étaient : le caractère élitiste de la conduite de la bataille référendaire, le refus de lier le projet d’indépendance nationale au projet d’émancipation sociale, l’absence d’un processus d’auto-organisation populaire du Oui dans les entreprises, les services publics, les lieux d’études et les quartiers, le caractère de marketing politique donné à la campagne, les limites de l’implication populaire représentée par les commissions de consultation mises en place, la brièveté du processus de mobilisation… Sans parler des reculs répétés du PQ sur la nature de l’objectif : un référendum (1980) sur une nouvelle entente suivie d’un deuxième référendum sur le résultat des négociations et référendum sur la souveraineté-partenariat (1995)
2. L’élection de l’Assemblée constituante constituera la mise en pratique du mandat obtenu à l’élection soit celui d’une constituante d’une république sociale d’un Québec indépendant. Le mandat est donc celui d’un projet d’élaboration d’une constitution d’un pays indépendant et d’un projet de société s’identifiant à une république sociale.
Argumentaire : L’élection d’une assemblée constituante est en soi l’amorce d’une rupture avec l’État canadien et un rejet du processus de réforme constitutionnelle actuel. Les constituants dans l’État canadien ce sont les premiers ministres des provinces et du Canada. Élire une constituante, c’est ne plus reconnaître les premiers ministres du Canada. Ils sont les seuls qui peuvent amorcer une quelconque réforme de la constitution canadienne. Élire une assemblée constituante (son nom le dit) pour élaborer une constitution, c’est rejeter l’application de la constitution canadienne sur le territoire québécois, c’est en finir avec la constitution canadienne. C’est un acte de rupture. C’est la proclamation de l’ouverture d’une marche vers l’indépendance du Québec dans lequel le peuple du Québec est appelé à jouer un rôle central. Ne pas le comprendre, c’est réduire la constituante à un exercice de consultation populaire.
L’élection d’une constituante doit être conçue comme une bataille politique. Elle doit passer par une mobilisation populaire dans une démarche de démocratie participative, par la mise en place de formes d’auto-organisation favorisant cette mobilisation et l’approfondissement d’un processus de conscientisation de la vaste majorité de la population… Québec solidaire doit tirer au clair le travail de préparation qui permettra de gagner une telle bataille, y compris en identifiant les réactions possibles des forces fédéralistes face à l’affirmation de la souveraineté populaire du peuple québécois. La recherche d’alliance sur le terrain international doit être organisée d’emblée par le gouvernement indépendantiste du Québec.
La possibilité de cette bataille ne peut être que le résultat d’une transformation du rapport de force actuel de la majorité ouvrière et employée et des couches moyennes face au 1% des possédants et de l’oligarchie politique à son service. Cette bataille sera le point culminant du renversement du rapport de force marqué par l’offensive du grand capital qui parvient encore à imposer ses politiques d’austérité, de privatisation, de réduction des droits démocratiques, et de ses politiques économiques et environnementales qui vont à l’encontre des besoins de la population et de la planète.
3. Proposition : Les résultats des travaux de l’Assemblée constituante, soit la constitution concrétisant le projet d’une république sociale d’un Québec indépendant sera soumis à un référendum de ratification.
Argumentaire. Ce référendum est une autre bataille pour mener à terme de ce qu’il faut bien d’une démarche de libération nationale. Ce combat référendaire est un nouveau combat de légitimité. Et le débat se fera sur une idée très précise du Québec indépendant que l’on veut, projet de société auquel aura contribué l’ensemble du peuple québécois. Ce sera un moment fort de consolidation de l’unité du peuple autour de sa majorité populaire. Tout le processus doit se faire dans un seul mandat.
4. Proposition : Québec solidaire doit élaborer le plus rapidement des propositions les contours du projet d’émancipation nationale et sociale qu’il proposera tant le cadre des luttes politiques actuelles participant de définir un nouveau projet de pays, que dans le cadre de la démarche de démocratie participative précédant l’élection d’une assemblée constituante que dans celui de l’assemblée constituante elle-même.
Argumentaire :
La proposition comprend qu’il faut préciser les nombreux enjeux aptes à mobiliser. Ils sont importants à préciser, car ce sont les luttes pour des revendications économiques, sociales, politiques et environnementales d’aujourd’hui qui préparent la voie à un processus constituant marqué comme l’aboutissant d’un combat pour l’émancipation sociale et nationale.
En finir avec la monarchie constitutionnelle à
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concentration du pouvoir dans l’exécutif et la soumission du parlement au gouvernement
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mode de scrutin anti-démocratie
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absence de contrôle des électeurs et les électrices sur la députation
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passage continu des membres des politiques vers les fonctions économiques dans l’oligarchie et inversement
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limites ds droits de la classe ouvrière et employée de s’organiser, de faire grève
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avec la non-reconnaissance des inégalités de genre
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en somme avec la nécessaire de la souveraineté populaire.
Refuser de se contenter d’institutions d’une république bourgeoisie
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Qui met en place des institutions garant du pouvoir de l’élite économique
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construit une démocratie représentative relevant d’une démocratie restreinte ne prévoyant aucun mécanisme de contrôle sur les élus et aucun pouvoir de révocation
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qui accepte la construction d’une classe politique composé dans sa vaste majorité, d’hommes, d’hommes d’affaires, d’avocats et de membres des professions libérales
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qui fait avec la marginalisation ds femmes dans la vie politique
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qui légitime le pouvoir de l’oligarchie en refusant de faire de la démocratie économique une composition essentielle de la démocratie et de la souveraineté populaire; dans la république bourgeoise, la démocratie refuse de franchir la porte des entreprises privées… – sans remise en question du pouvoir accordée par la propriété privée sur les grandes décisions économiques – la démocratie est vaine – construire ou non Énergie est – exploiter les ressources du Grand Nord – exploiter le pétrole d’Anticosti – ne peut être le privilège des propriétaires des moyens de production…
Mettre en place des institutions d’une république sociale – construite autour de la démocratie générale –
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Démocratie économique – dans l’entreprise – dans la société – mécanismes de participation aux choix économiques – démocratie participative – élaboration de budget participatif au niveau municipal, régional et national
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contrôle citoyen des développements ayant un impact environnemental
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débureaucratisation des service public (santé, éducation) et contrôle des usagers, des travailleuses et employéEs sur ces services
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des institutions modifie la démocratie représentative –
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système électoral proportionnel
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parité hommes femmes
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définir des mécanismes qui font que la majorité sociale (classe ouvrière et employée – majorité représentée)
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revenue à la hauteur de la rémunération du salaire médian
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refus de la professionnalisation de la politique – limiter du nombre des mandats
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propriété publique et usage socialisé des mass-medias et des médias sociaux (expropriation ds monopoles)
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un au-delà de la démocratie représentative – vers des formes de démocratie directe
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contrôle des élu-e-s par les assemblées citoyennes et attribution de mandats
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pouvoir de rappels des élus
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mécanismes de démocratie directive
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référendum d’initiatives populaires (et possibilité de lois d’initiatives populaires)
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primauté de l’Assemblée législative sur l’exécutif…
Conclusion
L’actualité de l’élaboration d’une constitution, de la mise en place d’une constituante – au-delà de la démarche institutionnelle, c’est l’irruption de la volonté de transformation sociale et politique à partir du champ des luttes sociales
Rappelons que la constitution est la codification d’un rapport de force social
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Si une constitution se doit d’être féministe, c’est que le mouvement des femmes aura imposé ses revendications, ses valeurs et une vision du monde…
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Si une constitution doit être démocratie, c’est que les mouvements sociaux auront su imposer des reculs dans le pouvoir de l’oligarchie économique et de la classe politique à son service
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Si une constitution est indépendantiste (et respectueuse des droits nationaux) c’est qu’un mouvement nationalitaire aura su remettre en question l’oppression nationale et imposer la nécessité de son autodétermination comme une aspiration générale…
C’est donc la mobilisation et la réorganisation des formes de solidarité autour des luttes pour l’égalité et la démocratie, et la réorganisation des liens sociaux pour rendre cette solidarité active et agissante qui ouvriront la possibilité d’une transformation sociale véritable.
Un parti politique de gauche devra y voir sa tâche essentielle. La démarche électorale est d’abord un mode de reconnaissance sociale de ce travail de transformation des rapports de force et d’organisation et de mobilisation. Les avancées électorales sont moins la source que la conséquence de telles réalisations.