Mardi 30 août 2022 / DE : BERNARD RIOUX
Le Parti conservateur d’Éric Duhaime a connu une progression considérable depuis que ce dernier est devenu le chef de cette formation. Le nombre de membres est passé, selon leurs prétentions, à plus de 50 000 personnes. Alors que des sondages lui accordent plus de 10% des intentions de vote, et plus de 20% dans la région de la Capitale-Nationale, le Parti Conservateur du Québec (PCQ) occupe de plus en plus de terrain et cela s’est fait à la vitesse grand V. Il a accumulé un magot de plus d’un million de dollars pour les prochaines élections. La tenue d’importantes assemblées réunissant des centaines de membres ont fait preuve de la capacité de ce parti de mobiliser ses troupes.
Une plate-forme populiste et libertarienne
Dans un passé récent, l’extrême droite québécoise s’est abreuvée de sexisme, de racisme anti-émigrant, d’antisyndicalisme et de complotisme. Ces idéologies, donc Éric Duhaime, a été un propagateur pendant des années, restent son horizon. Mais, le PCQ d’Éric Duhaime a d’abord su se construire en fédérant le mécontentement créé par la gestion autoritaire et inefficace de la crise sanitaire par le gouvernement Legault. Éric Duhaime n’a pas hésité à manier la démagogie la plus obscurantiste pour ce faire. Il s’est présenté comme le défenseur de leur liberté individuelle contre l’arbitraire des décisions gouvernementales. Il a opposé les droits individuels aux droits collectifs.
Aujourd’hui, pour élargir sa base, il reprend les thèses néolibérales à la sauce libertarienne : réduction des impôts directs de 2%, diminution de la taille de l’État, réduction conséquente des budgets sociaux, dont l’élimination progressive du financement public des services de garde, ouverture au privé en santé comme en éducation, secteur dans lequel il reprend l’idée d’instaurer un système de bonds permettant aux parents de choisir l’école de leur choix, publique ou privée. Son slogan « Libres chez nous », c’est la liberté du privé ; c’est le refus des mesures de solidarité collective.
Le sens de la montée du Parti conservateur du Québec
La montée du PCQ va ouvrir la voie à l’omniprésence d’un discours d’extrême droite sur la scène publique. Sa présence aux grands débats nationaux en est l’illustration évidente. Le PCQ d’Éric Duhaime va contribuer à la normalisation et à la banalisation des idées de l’extrême droite et au renforcement de leur enracinement dans certains secteurs de la population.
L ‘omniprésence de ce type de discours a désormais permis de sortir l’extrême droite des sectes marginales et fait du PCQ un pôle possible capable de semer la division et lui permettre de participer plus que jamais à la construction des boucs émissaires de divers types : musulman-e-s, réfugié-e-s, minorités raciales, organisations syndicales, militantes et militants féministes ou environnementalistes…
Le climato-négationnisme est également une dimension essentielle de l’orientation de ce parti.
Le Parti conservateur du Québec revendique le droit de nier la crise climatique. Il défend explicitement la relance de l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Il justifie la construction de pipelines et refuse de prendre au sérieux les analyses du GIEC et les perspectives que ce groupe de chercheur-e-s avance pour éviter la catastrophe. Le PCQ s’appuie sur une base militante de la droite dure et décomplexée et pourrait aider à la constitution d’un bloc en soutien au capital fossile et écocidaire.
La dialectique dangereuse entre la montée du PCQ et la droitisation de la CAQ.
Il faut compter que le renforcement du Parti conservateur du Québec exerce une pression importante sur le cours d’un éventuel gouvernement de la CAQ. Déjà, Éric Duhaime se vante de l’impact de ses propositions sur la campagne électorale de François Legault. La campagne menée par la CAQ contre le tramway à Québec, alors que le PCQ mène ouvertement campagne contre sa construction d’un tramway, est un résultat de de ce type de pression. Le refus de la CAQ de reconnaître la réalité du racisme systémique qui touche les personnes issues de l’immigration récente, comme les Premières Nations ou les groupes racisées, va être renforcé par la montée de la droite extrême dont le PCQ donne maintenant une expression. Tous les discours sur la nécessité de la fermeture des frontières et les dangers que représenteraient les « étrangers » risquent de s’inscrire dans une même dynamique.
S’opposer à la montée du PCQ, une tâche essentielle de la gauche sociale et politique
Ce parti constitue donc un grand danger pour les forces progressistes et d’émancipation. Et il doit être traité comme tel alors que les partis de droite, et les grands médias, particulièrement ceux de Quebecor, jouent le jeu de ce processus de normalisation et de banalisation qui permettent que des discours ouvertement antiféministes et anti-immigrants soient de plus en plus considérés comme ayant une part de légitimité.
Ces discours qui élargissent leur audience sèment la haine, nourrissent la confusion, la division et la désorientation. Le PCQ veut être en mesure de déplacer le curseur de ce qui est acceptable dans les discours tenus dans l’espace public.
S’opposer pied à pied à la construction d’un parti de la droite extrême commence par la déconstruction du discours et de la banalisation de la place du Parti conservateur du Québec dans l’espace public. Les intellectuels progressistes avaient relevé ce défi lors de l’apparition de l’Action démocratique du Québec. Il faut comprendre et chercher à déconstruire les effets du matraquage des discours de ces politicien-ne-s populistes.
Contre le discours du PCQ d’Éric Duhaime, la campagne politique doit être une occasion de rétablir les faits, d’expliquer les phénomènes socio-économiques qui font que plusieurs pensent que la société les a abandonnés.
En présentant, un discours et des propositions alternatives aux discours populistes de la droite, la campagne de Québec solidaire apporte une contribution importante à ce niveau.
Mais les organisations syndicales, populaires, féministes et écologistes doivent mener la lutte contre la démagogie des hurleurs politiques de l’extrême droite que le PCQ de Duhaime est en train d’organiser.
La grève sur le climat du 23 septembre peut et doit être un moment fort servant à démontrer le caractère mensonger des discours climato-négationnistes et la réalité de l’urgence de la lutte contre la crise climatique.
Les organisations syndicales préparent leurs prochaines négociations. Ce travail peut être une occasion pour montrer l’importance de réinvestissements massifs dans les services publics de santé et d’éducation et démontrer le caractère antisocial des attaques du PCQ contre les services publics. La défense du pouvoir d’achat remis en question par l’inflation ne passe pas par la baisse des impôts qui profitent déjà aux plus riches qui multiplient les manœuvres pour ne pas payer leur juste part.
Les grèves des éducatrices en garderie, les actions du communautaire, la lutte du mouvement des femmes contre la violence et les féminicides, toutes ces luttes sont au cœur de la résistance à la montée de l’extrême droite, tout comme le sont le soutien aux Premières Nations et la reconnaissance de l’existence du racisme systémique dans la société québécoise.
Les mouvements sociaux sont les porteurs de la transformation sociale qui passe par un rejet radical des thèses et des pratiques de la droite représentée par le PCQ. Québec solidaire en se faisant le porteur sur le terrain électoral de ces luttes et aspirations des mouvements sociaux se manifeste comme un véritable barrage à la montée de la droite extrême et de sa consolidation.