Québec Solidaire doit être le rassembleur des mouvements de lutte !

André Frappier
15 mai 2024

Combiné au départ d’Émilise Lessard-Therrien, le recentrage du parti exprimé par les documents soumis pour le prochain Conseil National a provoqué une crise politique d’importance à QS, comme on n’en avait jamais vu auparavant, mais qui couvait depuis un moment et qui était à prévoir.
Le défi de Québec solidaire a toujours été de résister à la pression du conformisme et à la voie électoraliste. Il n’y a pas de formule miracle, il faut mobiliser les forces qui se battent pour la justice sociale, les réunir derrière un projet politique qui ne peut que changer les fondements de cette société. C’est l’essence de notre programme et de notre projet d’assemblée constituante pour y arriver, ce qui n’est pas rien.

La déclaration de Saguenay combiné avec la proposition de réviser le programme a constitué un changement de cap inégalé dans l’histoire de Québec solidaire. La tournée des régions qui a eu lieu l’automne dernier ne peut suffire à justifier le contenu de la déclaration soumise au Conseil national. Il s’agissait d’une consultation et non d’un processus d’assemblées décisionnelles. Même si la direction de QS avait un mandat pour effectuer cette tournée, il est légitime de se demander s’il y avait une intention au départ qui a guidé ce processus et mené à cette finalité de changer le programme dans son esprit et dans sa lettre. Ce que fait la déclaration de Saguenay. Notons que les modifications au programme doivent être faits en congrès et non en conseil national. Le fait de modifier des principes qui sont dans le programme par la déclaration de Saguenay, comme le révèle entre autres les propositions concernant l’industrie forestière et la reconnaissance du monopole syndical en agriculture sont inquiétants et questionnables.

Pourquoi ce changement de cap maintenant ?

Le narratif conduisant à ces propositions est totalement absent, hormis la justification de la tournée des régions. Est-ce l’inquiétude provoquée par la montée du PQ et la nécessité de gagner un nouveau terrain pour contrer cette situation, ou est-ce l’urgence de combattre la crise économique accompagnée de la crise environnementale, qui motive ce processus ? Ces deux questions conduisent à des réponses bien différentes. Raison pour laquelle il est fondamental de situer dans quel contexte et quelle analyse fait-on de la situation politique, avant d’avancer des propositions sur la stratégie. Dans le premier cas on vise à édulcorer notre programme pour le rendre plus « conformiste » et dans l’autre on serait incitéEs à resserrer nos liens avec les forces militantes.

QS était dans une relative montée lors de l’élection de 2022, le plan de transport collectif permettait de mettre sur la table une proposition emballante pour tout le Québec qui permettait d’offrir une alternative à l’auto solo pour les déplacements interurbains et dans une certaine mesure pour les transports régionaux. La question du financement a cependant frappé un écueil. Au lieu de cibler les multinationales et leurs évasions fiscales, qui n’étaient pas mentionnées dans le plan de communication, la population a senti que ce serait elle et particulièrement les personnes qui ont une propriété et un fonds de retraite qui étaient ciblées. La montée de QS s’est arrêtée à ce moment.

La CAQ en est à son deuxième mandat, commence à battre de l’aile et le PQ est en montée. Rien d’étonnant, ce sont quelque part des vases communicants, on n’a qu’à regarder le personnel politique qui a navigué de l’un à l’autre. Paul St-Pierre Plamondon a réussi à redonner vie à son Parti qui est en montée.

Si on compare les résultats de la dernière élection en 2022 avec le dernier sondage QC 125 du 26 avril dernier, on constate que QS n’a pas substantiellement perdu de terrain, il est passé de 15,43% à 14%. Les libéraux font certains gains passant de 14,37% à 17%. Le changement majeur se situe entre le PQ et la CAQ, le PQ passant de 14,61% à 34% et la CAQ de 40,98% à 23%. À priori il ne devrait pas y avoir de vent de panique à QS, ce qui se produit était quelque part prévisible.

Québec solidaire doit être le rassembleur des mouvements de lutte

Notre but est de changer cette société d’injustice où la domination des corporations et du profit nous entraine dans une crise économique et sociale dont les conséquences environnementales s’accroissent à vitesse grand V.

Il est essentiel de mobiliser tous les secteurs de la population, d’entreprendre des grands chantiers qui vont amener à nous coaliser à nous politiser et à construire un rapport de force.

C’est ainsi que Québec solidaire s’est construit. Le programme a été développé sur plusieurs années avec des thèmes différents, justement pour permettre à tous les courants politiques progressistes d’y être représentés et de se sentir chez soi :

  • 2009 l’enjeu 1 Pays démocratique et pluriel
  • 2010 l’enjeu 2 Solidaire et écologique
  • 2011 l’enjeu 3 Justice sociale – Éducation – Santé – Culture
  • 2014 l’enjeu 4 Pour une société solidaire et féministe Femmes – Familles – Diversité sexuelle et de genre
  • 2017 l’enjeu 5 Bâtir ensemble un Québec solidaire Justice – Territoire – Agriculture – Altermondialisme

Le préambule au programme de QS indique ce qui suit :

« Au Congrès de fondation, en février 2006, les membres de Québec solidaire ont adopté la Déclaration de principes qui décrit les valeurs du parti. À partir de ces valeurs, des centaines de citoyennes et citoyens, membres et non membres, ont participé à une démarche de démocratie participative entre 2008 et 2017. Ce programme est le résultat de leurs réflexions et de leurs échanges. Il s’agit d’un projet à long terme. Une plateforme électorale annonce ce que prévoit le parti pour les quatre années d’un mandat de gouvernement. Ce programme voit beaucoup plus loin. C’est un projet de société, la proposition de Québec solidaire pour transformer démocratiquement la société québécoise. Ce programme est vivant. Il est appelé à évoluer et à se renouveler selon la volonté des membres. »

Notre défi consiste beaucoup plus à regarder quels sont nos angles morts, quels sont les éléments qui pourraient couvrir les problématiques ou des situations nouvelles que nous n’avons pas adressées. Nos positions sont-elles suffisamment élaborées concernant les populations immigrantes qui fuient le sud global pour échapper à la catastrophe climatique et économique ? Si on ne veut laisser personne derrière on doit s’assurer que toute la population laborieuse se reconnaisse dans nos politiques.
C’est de cette façon qu’on construira un rapport de force, qu’on rassemblera une population désireuse de prendre en main sa destinée. Nous aurons ainsi la force et la possibilité de lutter vraiment pour une société égalitaire et de prendre le pouvoir pour y arriver.