Davantage d’extraction minière, davantage de production d’énergie électrique, éolienne ou solaire, davantage d’investissements industriels gourmands en ressources minières et énergétiques dans une filière vouée à la transformation du parc automobile, le tout sous le contrôle de multinationales étrangères. Voilà, en somme, le modèle économique que cherche à imposer le gouvernement Legault. Ce modèle n’a rien à voir avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) et de réduction des dépenses en ressources et en énergie, nécessaires pour faire face à la crise climatique. Le projet de loi promis par le ministre Pierre Fitzgibbon cherchera sans doute à ouvrir la voie aux entreprises privées non seulement pour la production d’électricité, mais aussi pour donner la possibilité à ces entreprises de vendre leur production à des clients commerciaux et industriels. C’est là un modèle économique écocidaire contre lequel nous devons nous mobiliser.
Avec le développement de la filière batteries, le boom minier risque de conduire à la destruction de territoires
Dans le domaine minier au Québec, l’intervention de l’État a été marquée au coin du laisser-faire économique. Les différents gouvernements se sont donné comme tâche de favoriser et de protéger les entreprises privées d’exploitation minière sans se préoccuper des citoyen.nes et de leur environnement. L’exploitation minière au Québec se distingue par une triple dépossession. La première est une dépossession matérielle des ressources par les entreprises privées. La seconde est une dépossession politico-écologique par la privation d’un pouvoir de décision citoyen et étatique sur le contrôle et les modalités de l’exploitation des ressources minières. La troisième est une dépossession économique par la spoliation des bénéfices fiscaux, les redevances des minières étant restées très petites par rapport aux revenus que ces entreprises ont pu tirer de leurs activités. [1].
Le Québec dispose de minéraux stratégiques (cobalt, coltan, cuivre, graphite, lithium, zinc, nickel) et de terres rares. Depuis quelques mois, on a assisté à la prolifération de demandes de claims miniers sur le territoire du Québec, facilitée par la Loi des mines qui donne tous les droits aux minières et aux spéculateurs. On compte désormais (en 2022) plus de 20 000 titres miniers dans sept régions du sud du Québec, dont 7 674 titres miniers dans trois régions du sud-est du Québec en date de novembre 2022 : Estrie (1 739), Bas-Saint-Laurent (1 242) et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (4 693). [2].
Les projets d’exploitation minière grugent les terres agricoles et cela ne fait que commencer à cause de la recherche des minerais stratégiques particulièrement le graphite dans le sud du Québec. [3]. La Commission pour la protection des terres agricoles du Québec a accordé 100 % des demandes d’exploration des minières en milieu agricole, 97 % des projets d’infrastructures liés au transport et à la production d’électricité et 99 % des demandes d’implantation des parcs éoliens sur les territoires agricoles. [4]
La multiplication des claims par les minières en territoires citoyens montre que les droits des minières ont préséance sur les plans d’aménagement des territoires des villes et des Municipalités Régionales de Comté (MRC). Le développement des mines et des entreprises par les multinationales risque de se faire aux dépens du contrôle citoyen sur leur territoire. « Laisser libre cours aux principes dévastateurs du free ming fait couler le risque immense de voir se multiplier les cas de contamination des réserves d’eau potable qui en dépendent. Il nous faut écouter davantage la volonté des populations locales et développer de meilleurs mécanismes de protection de nos milieux humides et hydriques avant, ou en dépit de l’émission de titres miniers. » (Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau secours. [5] Le cas de Northvolt est exemplaire à cet égard. Alors que cette entreprise a été arrosée par des milliards en argent public, le premier ministre Legault a affirmé que cette compagnie n’aurait pas à passer par une procédure environnementale impliquant un examen du BAPE. [6] Le gouvernement refusait par là d’évaluer les effets d’ordre climatique, l’incidence sur la santé publique et les conséquences sur les milieux naturels et la biodiversité.
Cette montée d’un extractivisme sans balise vise à répondre aux besoins des entreprises multinationales que le gouvernement Legault cherche à attirer par des subventions qui se comptent maintenant en milliards de dollars. Il n’est donc pas question pour ce gouvernement de réduire les demandes en énergie en priorisant l’efficacité énergétique. Dans une démarche de prophétie autoréalisatrice, il crée la perspective d’une pénurie d’énergie électrique, suite à des projets de croissance à tout prix laissés aux mains des multinationales.
Contre la privatisation d’Hydro-Québec
Malgré les dénégations du ministre Fitzgibbon, la perspective d’une privatisation totale ou partielle d’Hydro-Québec est dans les plans du ministre de l’Économie et de l’énergie et du PDG d’Hydro-Québec. Cette privatisation ne prendra sans doute pas la forme de la vente d’une partie d’Hydro-Québec aux entreprises privées, mais le secteur privé est appelée à occuper une place de plus en plus importante dans la production de l’électricité. Déjà la production des énergies renouvelables (éoliennes et solaires) qui est appelée à se développer rapidement se fait par des entreprises privées multinationales. On pouvait lire dans le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable publié en novembre dernier, cet avertissement : « Nous nous opposons fermement à toute tentative de privatisation d’Hydro-Québec ou de ses actifs. Hydro-Québec est un patrimoine stratégique et doit rester sous contrôle public. Nous rejetons toute forme d’érosion de cette institution, cruciale pour le bien-être collectif, au profit du privé. »
Les syndicats d’Hydro-Québec affiliés au SCFP ont d’ailleurs lancé une campagne publique pour mettre en garde contre toute volonté de privatisation de la société d’État. Le développement de la filière-batteries soutenu par les gouvernements fédéral et provincial exigera beaucoup d’électricité et le ministre Fitzgibbon, a ouvert la perspective d’autoproduction d’électricité par les entreprises privées dont les surplus pourraient être revendus à Hydro-Québec. La porte est grande ouverte aux projets privés de production et de transports d’électricité, comme celui de TEX, en Mauricie. [7]
Le gouvernement du Québec et les entreprises sont engagés dans une véritable course au développement de la filière batteries et du développement de l’extraction de nouvelles richesses minières. Ils sont prêts à procéder et à exclure toute consultation véritable et surtout à refuser de donner un quelconque pouvoir aux citoyennes et citoyens des régions qui sont impactés par leurs décisions et particulièrement aux peuples autochtones. La prétention à décarboner le système énergétique n’est qu’une couverture sur une exploitation encore plus irresponsable des ressources et sur le refus de toute stratégie de sobriété énergétique.
L’augmentation de la production électrique, argumentent les François Legault, Pierre Fitzgibon ou Michel Sabia, est essentielle au nouvel essor de la croissance. Le plan Sabia, ce nouveau plan d’Hydro-Québec prévoit la construction de grands barrages hydro-électriques et l’accélération du développement des industries éoliennes et solaires par les multinationales. Le développement de petites centrales nucléaires est même envisagé par le PDG d’Hydro-Québec.
Le mépris gouvernemental de la consultation et du pouvoir citoyen
Que ce soit pour la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, pour l’aluminerie d’Arvida, pour le Port de Québec ou enfin pour l’usine de Northvolt, le gouvernement Legault est plus que conciliant sur les dépassements des normes environnementales par les entreprises. C’est plus de 89 entreprises polluantes que le gouvernement autorise à déroger à la loi. [8] Il se heurte ainsi, comme l’a montré un sondage Léger d’août 2022, à la population du Québec dont le consentement est exigé à hauteur de 78 % pour toute nouvelle exploitation minière. 75% de la population voudrait interdire tout projet minier dans les zones touristiques et 89% souhaiterait interdire tout rejet des déchets miniers dans les lacs, rivières et milieux écologiques sensibles. La Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine a demandé au gouvernement d’interdire cette pratique, mais le gouvernement est jusqu’ici resté sourd à ces demandes. Le gouvernement de la CAQ va jusqu’à autoriser des mégas projets en dépit des études du BAPE qui leur identifient des lacunes et va même jusqu’à se passer des études du BAPE.
Le gouvernement du Québec se moque du nécessaire consentement des populations locales qui seront impactées tant par l’exploitation minière que par de grands projets industriels. Il prétend tenir compte des droits des peuples autochtones, mais ce ne sera que notre mobilisation et notre solidarité qui permettront la reconnaissance de ces droits.
Le gouvernement de la CAQ dit avoir l’oreille des pouvoirs et de la finance et avoir une vision d’hommes d’affaires. C’est pourquoi, il refuse de réformer la loi sur les mines, d’écouter les doléances des Nations autochtones et des municipalités et de donner la priorité concernant l’aménagement du territoire au pouvoir citoyen. Appeler à la collaboration avec un tel gouvernement ne peut que déboucher sur un vain attentisme. Ce sont ses intentions écocidaires qu’il faut remettre en cause non seulement en parole, mais dans les luttes concrètes qui seront nécessaires pour bloquer ce gouvernement irresponsable et les profiteurs qu’il soutient. La mobilisation unitaire contre le projet de loi que doit présenter le ministre Pierre Fitzgibbon sera essentielle pour défendre la majorité populaire contre les intentions prédatrices du capital d’ici et d’ailleurs.