Perspectives du Réseau écosocialiste – 1) Luttes syndicales et mobilisation contre l’austérité : le défi de l’unité

25 mai 2015

Refusons l'austérité

Le 10 mai, la troisième assemblée générale du Réseau écosocialiste a dégagé une série de perspectives d’action. Voici le premier d’une série d’articles rendant compte des orientations retenues. Celui-ci porte sur les défis à très court terme liés à la mobilisation contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard et au renouvellement des conventions collectives des travailleuses et travailleurs du secteur public.

Le défi de se battre ensemble pour gagner

D’abord il faut reconnaitre l’ampleur et la gravité des attaques en cours. Non seulement le régime Couillard ajoute une nouvelle série de compressions budgétaires dans des services qui subissent ce type d’étranglement au moins depuis le virage du déficit zéro de 1996, mais il en profite pour effectuer une série de réformes dans la gouvernance des services publics et la gestion de divers programmes dans le sens d’une centralisation bureaucratique extrême.

La réforme des soins de santé (loi 10) est typique de cette approche qui vise à liquider toutes les structures intermédiaires entre la population et l’État (commissions scolaires, organismes de concertation régionale, coopératives de développement, etc.). La lutte contre l’austérité est donc aussi une lutte pour la démocratie, pour l’autonomie des régions, pour la participation des travailleuses et des travailleurs comme du public à la gestion des services.

Il y a donc un potentiel énorme pour une mobilisation très large de la population, au-delà des secteurs plus habitués à la contestation comme les syndicats, les associations étudiantes et les groupes communautaires. Mais ce potentiel d’unité large risque de ne pas se concrétiser si la mobilisation ne se cristallise pas autour de revendications à la fois spécifiques et rassembleuses, comme la réforme progressive de la fiscalité, la hausse significative du salaire minimum, le droit de tous et toutes à une retraite décente, le financement adéquat de la santé et de l’éducation, la gestion démocratique et participative des services, etc. La Coalition Main rouge constitue un lieu privilégié de concertation entre différents secteurs de la société civile pour arriver à cette unité et c’est pourquoi le Réseau écosocialiste souhaite y participer directement.

Pas de victoire syndicale sans défaite politique du gouvernement

Une condition essentielle du succès de cette mobilisation est la convergence dans l’action entre la mobilisation syndicale autour des négociations du secteur public et la bataille plus large contre l’austérité. Jusqu’à maintenant, les grandes organisations syndicales semblent vouloir mener ces deux batailles séparément, comme si elles n’étaient pas intimement liées dans les politiques du gouvernement et indissociables au niveau stratégique. En effet, la seule chance que les 500 000 travailleuses et travailleurs du secteur public ont de remporter une victoire contre un gouvernement aussi intransigeant et répressif est de rallier de larges pans de la population à leur cause, en pensée et aussi dans l’action.

Heureusement, La défense des services publics contre les demandes radicales de la partie patronale, que ce soit en santé, en éducation ou ailleurs, est une bataille politique qui peut rallier la population au-delà des membres des syndicats présentement en négociation. Sur ce plan, notons la rupture des négociations par la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), premier syndicat à poser un tel geste. Les 32 000 membres de la FAE pourraient être en situation de grève légale à la rentrée des classes à la fin août. Ses affiliés disposent déjà de mandats pour trois journées de grève. Mais qui d’autre sera prêt à ce moment-là? Et quoi faire si le gouvernement prend l’initiative et décide de rendre cette grève illégale avant même qu’elle ne commence, comme il l’a fait pour le 1er mai des profs de cégep?

Une loi spéciale forçant la fin de la grève et une série de décrets imposant les nouveaux contrats de travail constitue l’issue la plus probable des négociations. Pour résister au déploiement de ces instruments législatifs et répressifs de la part de l’État-patron, les syndiqué-e-s du secteur public devront compter sur une mobilisation sans précédent. Pensons au printemps 2012, plus une grève générale. En bas de ce niveau de combativité, la défaite est presque certaine.

Québec solidaire doit prendre ses responsabilités

Il va de soi que Québec solidaire sera le seul parti à appuyer sans réserve l’ensemble des mobilisations contre les politiques d’austérité, de même que les revendications des syndicats du secteur public. La CAQ fera probablement pression sur le gouvernement pour qu’il règle ces question rapidement et par la manière forte, au nom de la défense des intérêts des « contribuables ». Le PQ tentera de ménager la chèvre et le chou, comme en 2012, en dénonçant en paroles certaines des politiques du gouvernement, mais sans s’engager clairement à faire autrement advenant leur accession au pouvoir. Comment pourrait-il en être autrement avec leur nouveau chef?

Mais il ne suffit pas que Québec solidaire soit « du bon bord ». Il faut aussi que le parti utilise ses ressources, à commencer par le réseau incomparable de ses membres présents partout au Québec dans tous les milieux, pour favoriser une mobilisation unitaire et déterminée en vue de briser la volonté de ce gouvernement. Battre le gouvernement Couillard en 2015 devrait être l’objectif du parti, plutôt que bien paraître en prévision des élections de 2018.

Pour ce faire, il faut d’abord que le parti mette en pratique une résolution adoptée au Conseil national de décembre 2014 en faveur du regroupement des membres selon leur secteur d’implication sociale. Des « assemblées des militantes et des militants » pourraient être organisées au niveau régional afin de discuter des perspectives dans cette lutte et de trouver des méthodes pour surmonter les obstacles à l’unité et à la mobilisation.

L’organisation des membres de QS qui font également partie des 500 000 du secteur public est particulièrement importante. Pas besoin d’attendre d’avoir une base de données exhaustive sur les implications de chacune et de chacun pour passer à l’action. Les associations locales et régionales peuvent inviter l’ensemble de leurs membres à des assemblées de discussion sur la lutte contre l’austérité et donner l’occasion aux gens de s’organiser dès maintenant.

Le Réseau écosocialiste invitera les personnes qui assisteront au congrès de Québec solidaire à la fin du mois à participer à une rencontre le samedi midi pour discuter de ces enjeux et commencer le travail d’organisation qui s’impose. Nous continuerons ce travail au début de l’automne avec des assemblées régionales. Le temps presse, cette bataille sera vraisemblablement perdue ou gagnée d’ici la fin de 2015.
Ces initiatives de la base militante de QS devraient encourager les porte-parole nationaux et la députation du parti à sortir de leur position de neutralité bienveillante quant aux enjeux stratégiques de la lutte et à prendre position publiquement pour le vaste rassemblement et la lutte déterminée dont nous avons besoin pour bloquer dès maintenant les attaques du gouvernement contre la démocratie et la justice sociale. On devrait espérer rien de moins de la part d’un parti qui se veut autre chose qu’une nouvelle version de la social-démocratie et qui prend au sérieux la notion du « parti de la rue ».