Le 22è Conseil national de Québec solidaire :

Un abandon du recentrage politique ou un changement de rhétorique ?

Roger Rashi
8 avril 2025

Le 22è Conseil national de Québec solidaire tenu en ligne le 5 et 6 avril c’est conclu de façon bien inattendue sur une note combative. Pourtant, jusqu’à sa dernière session le dimanche après-midi, ce CN nouvelle formule, réduit à 110 délégués en vertu des nouveaux statuts restrictifs adoptés au congrès de novembre dernier, s’annonçait comme l’un des plus mornes et insipides de l’histoire du parti. Et ce malgré l’atmosphère de crise ininterrompue qui afflige QS depuis dix-huit mois, aggravée par le départ fort médiatisé du porte-parole masculin et figure marquante de la formation, Gabriel Nadeau-Dubois, moins de deux semaines avant la tenue de cette instance nationale.

Une campagne publique contre le vent de droite

Coup de théâtre, dimanche à 14h, la direction du parti laisse passer une résolution proposée par le Réseau militant intersyndical et appuyé par les associations de Viau et NDG qui prône le lancement d’une campagne publique contre le vent de droite. Intitulée « Face à la montée de l’extrême droite, de l’austérité et de l’antisyndicalisme, lançons une riposte unitaire et populaire » cette résolution brise avec le recentrage politique et le parlementarisme affichés par le parti depuis la campagne électorale de 2022 sur deux points essentiels. Premièrement, elle propose une campagne publique qui se déroulerait « tant au parlement que dans la rue » en solidarité avec les mobilisations sociales en cours. Deuxièmement, elle affirme qu’une telle campagne est « la meilleure façon de mobiliser nos membres, d’activer nos structures… et d’accroître notre appui populaire ». La résolution, fortement soutenue par la très grande majorité des intervenants au micro, est adoptée avec une substantielle majorité.

Fort appui aux luttes ouvrières et syndicales en cours

Tout aussi intéressante est l’ultime session de ce conseil national qui porte sur trois résolutions d’urgence appuyant des luttes syndicales en cours. La première affirme l’appui du parti aux travailleuses des Centres de la petite enfance (CPE) en lutte contre le gouvernement caquiste. Les deuxièmes et troisièmes résolutions d’urgence, proposées par le Réseau intersyndical, réaffirment respectivement :

 L’appui aux licenciés d’Amazon et à la campagne de boycottage public et institutionnel de cette multinationale notoirement antisyndicale.
 Que QS continue de dénoncer sans arrêt le projet de loi 89 et toutes les formes de recul que tente d’imposer la CAQ au droit de grève.

Le scénario se répète alors que la direction nationale approuve tacitement ces résolutions et elles passent avec une forte majorité et un appui quasi unanime au micro.

Un changement cosmétique ?

C’est toute une volte-face pour une direction nationale qui affirmait jusqu’à tout récemment, contre vent et marée, que la seule issue aux multiples crises internes et à la dégringolade du parti dans les sondages se trouvait dans le pragmatisme politique et le recentrage programmatique. Dans les faits, ce conseil national se voulait à l’origine comme un véritable éteignoir des critiques internes en ignorant tout débat stratégique et ne mettant à l’ordre du jour qu’une série de questions d’ordre organisationnelles.

Ce n’est que dans la semaine précédant le CN qu’un changement à l’OJ fut annoncé en catimini, soit l’ajout dès le samedi matin d’une session de discussion sur les perspectives stratégiques. Un court document ne donnant aucune orientation concrète a été publié littéralement à la veille du conseil notant la démission de GND de son poste de porte-parole masculin et soulignant l’annonce par Ruba Ghazal que désormais « la défense des travailleuses et travailleurs serait sa priorité comme porte-parole ». Le débat d’une heure et quart qui s’en est suivi fut assez confus alors que la direction et les parlementaires présents se sont abstenus de toute intervention et qu’aucune conclusion n’en est ressortie.

Mais est-ce un virage stratégique qui s’amorce ou simplement un changement de rhétorique face une situation de crise lancinante qui démobilise les bases du parti ?

Difficile de conclure, car, jusqu’au moment d’écrire ces lignes, les résolutions adoptées à ce 22è CN demeurent quasiment confidentielles. Depuis une quinzaine d’années, les porte-parole du parti tenaient toujours une conférence de presse à l’issue des instances nationales. Ce n’est point le cas cette fois-ci, alors qu’il n’y a même pas eu un simple communiqué de presse. De plus, rien n’a été annoncé à l’interne et aucune modification du prochain Conseil national devant se tenir au début du mois de juin n’a été mise en marche.

Quoi qu’il en soit, ce 22è CN a entrouvert la porte à un débat stratégique dans les rangs du parti et, par ce fait même, à la possible réorientation de cette formation engluée dans un marasme politique ponctué de crises publiques spectaculaires.

Nous sommes à l’orée d’un nouveau cycle politique avec la montée du néofascisme trumpien, des guerres tarifaires, et de la droitisation de la scène politique québécoise et canadienne. C’est dans de telles circonstances qu’une vraie gauche de transformation sociale doit s’affirmer et répondre aux défis de la nouvelle époque.